Le
monde Egéen est un vaste quadrilatère délimité par la Grèce à l' Ouest et au
Nord, la Turquie à l' Est, les îles Cyclades et la Crète au Sud.
Dans cet espace ainsi délimité, des courants très puissants de
culture se sont produits depuis le Néolithique et jusqu'aprés l'invasion romaine.
Le monde égéen n’en présente pas moins une incontestable unité. Unité
climatique tout d’abord, malgré certaines différences locales;
unité organique également, due au lien puissant que constitue
la mer entre ces terres isolées. On a pu comparer la mer Égée
à un lac tant y sont rares les vastes étendues d’eau sans
terre à l’horizon. Les relations intérieures
sont complétées par un jeu de relations avec l’extérieur,
en particulier avec l’Orient. C’est dans les grands ports de la côte
syro-phénicienne, Ugarit et Byblos, que les échanges commerciaux
et artistiques seront les plus féconds.
Ce que l’on nomme
actuellement monde égéen a longtemps été appelé
monde préhellénique. Tout ce qui précède
le début du IIe millénaire fut longtemps considéré
comme barbare.
La «révolution
néolithique», c’est-à-dire
le passage de l’état nomade à l’état sédentaire,
la construction d’habitats fixes, la naissance de l’agriculture et l’apparition
de la domestication, a son origine quelque part dans le Proche-Orient,
plus précisément peut-être sur le plateau anatolien.
Comme ailleurs, l'origine des cultures égéennes vient de
l' Est parfois en avance de plusieurs siécles; mais, si l'Est
"ensemence" le monde Egéen, la réponse ne sera pas servile
mais originale après une période d'assimilation.
C’est seulement au début du Néolithique récent (~4700 a ~3200) qu’une occupation humaine est attestée pour la 1° fois : un petit groupe vivant d’agriculture et d’élevage, mais aussi de pêche et de chasse, habite de petites maisons au soubassement de pierre, peut-être protégées par une enceinte; il maîtrise particulièrement bien les techniques du façonnage de l’obsidienne et produit une céramique originale à décor peint en blanc.
Il y a une sédentarisation progressive et en conséquence des traces d'urbanisation en Macédoine, Epire, et surtout en Thessalie. Apparition de la céramique et d'une petite plastique en terre cuite.
Les sites en Thessalie se présentent sous la forme de collines arrondies, les magoulas. Sur chacun d’eux se superposent sur plusieurs mètres les restes des divers niveaux d’occupation. Les plus anciennement connus, Sesklo et Dimini, dans la région de Volo, ont donné leur nom aux deux phases principales du néolithique thessalien.Site de Sesklo
La phase de Sesklo (dans le golfe de Volo) (Ve millénaire) se distingue par une production de céramique de haute qualité: les formes sont encore lourdes, mais le fini des vases est très soigné; le décor qui combine les motifs géométriques est d’ordinaire appliqué en rouge sur un fond blanc (Ex: Vase en damiers inspirée de poteries orientales)
Le motif de la spirale (venant d'Anatolie) figure sur des sceaux trouvés dans les plus anciennes couches néolithiques.
Les bâtiments comportent une salle principale, rectangulaire ou carrée, précédée d’une sorte de porche dont l’auvent repose sur deux poteaux et sur les avancées des murs latéraux. C’est le plan même qu’aura plus tard la partie centrale, ou mégaron, du palais continental à l’époque mycénienne.
Site de Dimini
Dans la phase de Dimini (IVe millénaire), le décor des céramiques est enrichi par l’introduction de la bichromie et l’apparition de motifs nouveaux, en particulier la spirale, comme sur cette jarre où des faisceaux de lignes parallèles s’organisent sans monotonie ni froide symétrie autour d’un motif central en spirale.
À Dimini, le mégaron est manifestement le principal édifice du village: il est construit au centre de l’habitat, sur une aire dégagée qu’entourent plusieurs enceintes concentriques. Il ne faut cependant pas l’imaginer comme un palais ni comme le prototype direct du palais mycénien; ce n’est que l’habitation rustique du chef du village.On trouve un peu partout dans ce vaste espace des figurines d’aspect semblable. Les plus nombreuses sont des figurines féminines, généralement nues, aux formes plantureuses, aux caractères sexuels accusés et a l' attitude stéréotypée, qu’elles soient debout ou assises, les bras ramenés sur les seins ou sur le ventre. Certaines figurines, plus rares, sont masculines, et peut-être faut-il les considérer comme le complément mâle de cette déesse de la fécondité.
Apparition de la métallurgie : les fours pouvant atteindre 1500°C permettent donc la fusion et le mélange de la plupart des métaux jusque là utilisés à l'état natif uniquement.
Il faut attendre la fin du Néolithique récent pour retrouver à Képhala, dans l’île de Kéos, un habitat insulaire et surtout un cimetière, le premier que l’on connaisse dans la région: les sépultures, individuelles ou multiples, sont installées dans des tombes en fosse creusées dans le rocher; leurs parois sont parfois revêtues de dalles (tombes à ciste) ou d’une maçonnerie de moellons (tombes maçonnées); le mobilier funéraire est pauvre – quelques vases et menus objets au plus –, mais témoigne déjà de l’existence d’inégalités sociales.
On divise la période du bronze en 3 sous-périodes : Ancien - Moyen - Récent. Pour chacune d'elle on identifie une civilisation dominante, l'ensemble formant la civilisation égéenne du pré-classique :
Remarque : Il faut être très
attentif au fait que l'apogée de telle ou telle civilisation a une
époque donnée, n'implique pas que celle-ci n'existe pas avant
ni disparaisse ensuite. En réalité il y a influence réciproque
avec domination
à un moment donné de l'une ou l'autre de ces civilisations
Avec
le Bronze ancien (3200 - 1950) c'est l' apogée de la civilisation
cycladique. On distingue couramment 2 phases – BA I et BA II –
représentées par 2 cultures – Grotta-Pélos et Kéros-Syros.
Pendant le Bronze moyen (~1950 à ~1550) c'est la civilisation
crétoise (ou minoenne) qui prend le relais.
A partir de 1550 : Bronze récent dominé par la civilisation
mycénienne (ou helladique) jusqu'en 1200, les Cyclades font partie de
la zone d’influence crétoise de part leur position géographique, mais conservent
une bonne part de leurs caractères originaux.
Les oeuvres présentées :
- Joueur de harpe, assis sur une chaise aux formes recherchées attestant
de la maitrise, dans la pierre, des 3 dimensions
- Statuette de Paros soutenant sur sa tête une figure plus petite
- Vase candela (=lampe) de la fin du cycladique ancien à oreillettes perforées
en marbre
- Boites à couvercle en forme de bobine en marbre
- Palette légèrement incurvées aux coins perforés = palette à fard ?
- Petit hérisson (île de Cyros en bichromie, son ventre creux et rempli d'eau
versait celle ci dans un bol tenu entre ses pattes
- "Poêle à frire" : imitation de miroir, de brûle parfum, de tambour ? au
décor incisé de spirales
En Crète, de la phase d' influence cycladique (#2300), on a trouvé
dans des tombes des vases, théières et cruches à bec en marbre ou stéatite
dont les formes laissent supposer des relations avec le Proche Orient et surtout
l' Égypte.
Dans l'îlot de Moklos : petites épingles en or découpées en forme de fleur.
Vase en argile du site de Koumasa dont la peinture représente le combat
d'un homme et d'un taureau.
Sur le continent helladique : bien qu'étant en retard par rapport
aux Cyclades on a trouvé des vases et des saucières à l'anse rivetée en or
(Heraya) ou en terre cuite (Lerne)
L’évolution des Cyclades à l’age du bronze ancien est subdivisée en périodes appelées Cycladique ancien (C.A.), moyen (C.M.) et récent (C.R.). Ce schéma tripartite soulignait l’évidente parenté qui unit alors les îles à l’ensemble du monde égéen, en même temps qu’il marquait les différences qui les séparent de la Crète (civilisation minoeenne) et de la Grèce continentale (civilisation helladique ou Mycénienne).
La production de céramique, est marquée par la prédominance exclusive des décors incisés et des décors imprimés, qui se combinent souvent entre eux, et par l’abondance des formes originales. On a trouvé sur les 2 sites ci-dessus (et dans l'ile d' Amorgos) des "idoles" cycladiques dans les tombes du type dit "à bras croisés" se distinguant par une tête uniquement marquée d'un nez triangulaire et parfois une ébauche incisée de cheveux. et avec des proportions canoniques du corps qui se décrit en 4 parties égales : Téte/base du cou - base du cou/ventre - ventre/genoux - genoux/pieds. Elles sont parfois sans tête, dite "en violon".
On ne sait pas très bien si les maisons sont construites en brique crue sur un soubassement de pierre, ou entièrement en pierre. Mais il est clair qu’elles sont simples composées d’une pièce ou deux, et de forme irrégulière, curviligne ou rectiligne, sauf à Kéos où elles appartiennent aux types helladiques.Les pratiques funéraires sont mieux connues. Depuis le Néolithique récent, la coutume est d’enterrer les morts à l’extérieur de l’habitat, quelquefois dans des tombes isolées, mais souvent dans de véritables cimetières, qui peuvent compter des centaines de tombes. Celles-ci sont souvent des tombes maçonnées et des tombes à ciste, héritières des tombes néolithiques de Képhala, mais elles ont une entrée, une couverture en encorbellement ou même un étage ;elles sont souvent signalées par une dalle, un muret ou une aire de cailloux. Il existe aussi de véritables tombes à chambre. Partout, les morts sont inhumés, à un ou plusieurs par tombe, couchés sur le côté, les jambes repliées, avec leurs vêtements, leurs objets de parure et un mobilier réduit.
Les mobiliers funéraires continuent à attester l’existence d’inégalités sociales.
Le mode de vie n’est guère différent de ce qu’il est dans le reste du monde égéen. L’agriculture fournit l’essentiel des moyens de subsistance: blé, orge, vesces, pois et lentilles. La vigne et l’olivier commencent à se répandre mais curieusement peu l'orge. L’élevage concerne surtout le mouton et la chèvre, secondairement le bœuf et le porc. Mais la fréquence des poignards de cuivre, longs ou triangulaires, indique que la chasse continue à jouer un rôle important.
La poterie est toujours montée au colombin et modelée à la main, mais l’usage de matrices se répand pour l’impression de certains décors, et le four de potier (innovation majeure) fait son apparition. La production comprend une série de formes originales, qui ont souvent leur équivalent en marbre et posent parfois des problèmes d’interprétation, comme les célèbres «poêles à frire». Malgré la simplicité de leur forme, ces dernières ont en effet donné lieu aux hypothèses les plus variées: on a pu y voir des plateaux, des brûle-parfums, des miroirs, des tambours, des vases à libations et même... des idoles.
Le développement de la métallurgie reste modeste et le bronze véritable n’apparaît pas encore: il est précédé, comme dans les régions voisines, par le cuivre à l’arsenic.
La navigation est illustrée par une quinzaine de représentations de bateaux sur des «poêles à frire» de Syros: il s’agit de longues pirogues, mues par des pagaies, dont la proue est surélevée et dont la poupe porte un emblème en forme de poisson. Sans doute toutes les traversées sont-elles alors effectuées, en l’absence de voiles, dans des embarcations de ce type.
La Crète était habitée depuis le Néolithique Les enclos funéraires de l’Est (Mochlos) et surtout les grandes tombes collectives à voûte de la Messara, de plan circulaire, qui connaissent alors leur plus grand développement et resteront en usage pendant l’époque des palais, ont fourni armes, sceaux, figurines, objets de parure, vases de pierre, qui attestent des relations nouvelles avec les civilisations voisines, Orient, Égypte et surtout au bronze ancien avec la civilisation dominante des Cyclades.
La céramique comprend 2 phases principales: l’une où prédomine une
céramique monochrome, apparentée au Micénien de Grèce continentale,
l’autre où la vogue est aux décors en peinture mate.
Un certain nombre de sites occupés précédemment sont abandonnés, et
un regroupement de la population s’opére. Les habitats deviennent de
véritables villes, comme Phylakopi à Mélos et Haghia Irini à
Kéos, et ils sont, en outre, souvent fortifiés. Les maisons, qui peuvent être
entièrement en pierre, sont tantôt petites et composées d’une à trois pièces,
tantôt complexes et plus vastes.
Les morts continuent d’être enterrés, hors de la zone habitée, dans de véritables
cimetières.
Les tombes en fosse sont les plus fréquentes, mais les tombes maçonnées
et les tombes à ciste sont toujours bien représentées et l’on
construit parfois une plate-forme dallée près de la tombe.
Le mobilier des tombes reflète une production artisanale et une prospérité
accrues.
L’emploi du tour de potier se généralise au Bronze moyen pour la poterie fine. Sur les vases, multiplication des «marques de potier», dont l’interprétation reste incertaine, mais qui jouent sûrement un rôle dans le contrôle de l’activité économique.
À côté du cuivre natif et du cuivre à l’arsenic, dont l’emploi se maintient, on commence à produire du bronze véritable, sans que l’on puisse déterminer d’où provient l’étain. Mais la panoplie des objets fabriqués – armes, outils, bijoux, etc. – ne subit que des changements ponctuels et l’artisanat reste local,
Les échanges connaissent un accroissement notable et des îles comme Théra,
Mélos et Kéos semblent y prendre une part active.
Les relations avec le continent sont attestées par la présence de poterie
cycladique en Attique et dans le nord-est du Péloponnèse, par celle de céramique
minyenne dans les îles et par l’utilisation des minerais du Laurion. Mais
le rôle joué par la Crète ne cesse de croître et les îles semblent servir
d’intermédiaires dans la diffusion des produits crétois sur le continent.
Au Bronze moyen c'est l'apogée de la civilisation
Crétoise avec les premiers palais de Cnossos, Malia ,
Phaistos qui apparaissent vers le tout début du IIe millénaire.
Détruits brutalement, parfois à plusieurs reprises comme celui de Phaistos,
ils ont été, après 1700, recouverts par les seconds palais, et leur plan d’ensemble
reste ignoré: ils possédaient tous, dès cette époque, la grande cour centrale
(22 x 50 m à Malia) rectangulaire avec une table d'offrande (ou une fosse
sacrificielle) au centre, propre aux palais minoens, entourée de pièces d'habitat,
d'apparats, de stockages, d'archives et une salle du trône centrale sur le
coté Ouest. Un escalier permettait de monter à l'étage. Une nécropole jouxte
le palais.
L’apparition de ces palais correspond à l’instauration d’un nouveau système
politique et social. De véritables villes, succédant aux communautés proto-urbaines
de l’époque précédente, entourent les palais; ailleurs, les sites d’habitat
se multiplient, et le développement rapide d’agglomérations secondaires est
particulièrement net.
De nouveaux lieux de culte apparaissent: à côté de sanctuaires palatiaux ou urbains, des «sanctuaires de sommet», aménagés au sommet de collines ou de montagnes, particulièrement nombreux dans la Crète de l’Est, ont livré de très nombreuses figurines humaines ou animales et des ex-voto de guérison, comme à Petsofa près de Palaikastro.
Objets et symboles cultuels se multiplient dans les différents lieux de culte (doubles haches, cornes de consécration). Les sépultures individuelles, inhumations dans des jarres ou dans des sarcophages en argile, font leur apparition dans les nécropoles.
Développement d’une administration complexe qui met en œuvre des méthodes de contrôle économique analogues à celles du Proche-Orient.
L’écriture dite «hiéroglyphique» (ou Linéaire A qui n'a jamais été décrypté) est désormais utilisée pour des enregistrements comptables sur des tablettes d’argile crue. Un petit nombre d’entre elles, cuites dans l’incendie de la destruction finale, ont été conservées dans les dépôts d’archives du palais de Cnossos ou du quartier Mu de Malia; un système complexe de scellés sur argile, apposés sur des coffres, des jarres ou des portes de magasins, permet de contrôler les entrées et sorties de biens et de denrées dans les magasins palatiaux. La prospérité économique nouvelle se traduit par l’existence d’artisans spécialisés, dépendant de l’autorité centrale: les maisons d’artisans (graveur de sceaux, potier, fondeur) du quartier Mu de Malia en fournissent le meilleur exemple.
L’introduction de nouveaux moyens techniques (développement des outils de métal, utilisation du tour rapide) et les demandes nouvelles émanant des palais transforment les conditions de la production artistique, et les innovations des ateliers palatiaux se diffuseront dans l’ensemble de la Crète.
C’est l’époque de la céramique de Camarès, aux formes raffinées ( en «coquille d’œuf») et au riche décor polychrome en rouge, jaune, blanc sur fond sombre, qui révèle le mieux certaines caractéristiques de l’art minoen: le goût des motifs tournoyants, l’alliance des spirales et des éléments naturalistes (fleurs, pétales, poulpes) que l’on retrouvera tout au long de l’histoire de la céramique minoenne et mycénienne. Exemples :
- Cruche polychrome (1800) enduite d'un bleu sombre et rehaussée d'une fleur à pétales blanches
- Coupe en terre aux parois fines (dite en "coquille d'oeufs")
La glyptique, qui connaît un développement considérable à cette époque, marqué par l’apparition de formes nouvelles (prismes, cachets à tige), reprend les mêmes motifs.
L’orfèvrerie, que seuls quelques documents permettent de connaître (pendentif
aux abeilles, épées d’apparat de Malia), utilise le filigrane, l’incrustation
et la granulation. Ex : Pendentif "aux 2 abeilles" face à face,
découvert dans la nécropole du palais royale de Malia, en or, qui maîtrise
la technique de la granulation (graines d'or soudées entre elles)
La Crète tient alors la place principale dans le monde égéen. Les textes orientaux nous renseignent sur l’existence de relations commerciales avec la Mésopotamie; des fragments de vases de Camarès ont été retrouvés dans la vallée du Nil, et des objets d’art égyptisants en Crète impliquent une connaissance directe de l’art égyptien par les artistes crétois.
Mais palais et sites crétois sont brutalement détruits aux environs de 1700. Les causes de ces destructions, fréquemment accompagnées d’incendies, restent incertaines: tremblements de terre, troubles internes liés à des rivalités entre palais. Cette coupure, qui met fin à la période dite des premiers palais, ne suspend cependant que très momentanément les progrès de la civilisation minoenne.